A Théoule-sur-Mer, entre les murs de la maison bulle

Une maison de Gio Ponti, un atelier de Le Corbusier, un appartement de Ricardo Bofill ou d’Auguste Perret… Avec son projet « Genius Loci » (« le génie du lieu », en latin), la curatrice Marion Vignal invite depuis trois ans le public à (re) découvrir, à travers certaines de leurs œuvres, de grands noms de l’architecture du XXe siècle.
Le temps d’expositions temporaires, elle convie artistes et designers à investir ces chefs-d’œuvre relativement méconnus. « Mon idée est d’explorer les marges, quand les choses se mettent en place, comme avec L’Ange volant, de Gio Ponti, à Garches, l’une de ses premières maisons où nous avons exposé il y a trois ans », explique Marion Vignal.
Cette année, elle quitte la région parisienne pour prendre possession de la Maison Bernard, à Théoule-sur-Mer (Alpes-Maritimes), du 8 au 23 juin, une villa façonnée par le Hongrois Antti Lovag à partir de 1971. Un ovni d’architecture organique constitué d’une multitude de cellules arrondies de teinte rouge terre. « Une maison de famille, dans le massif de l’Esterel, dessinée pour l’industriel Pierre Bernard, que l’architecte mettra dix ans à réaliser avant de dessiner ensuite le célèbre Palais Bulles de Pierre Cardin. Aujourd’hui, elle appartient toujours à la famille Bernard. Et n’est que sporadiquement ouverte au public », précise la curatrice, qui va mêler commandes spéciales créées in situ et réinstallation d’œuvres imaginées à l’époque pour l’endroit.
On ne trouvera pas de tableaux, pour cause de murs courbes, mais des sculptures, des installations vidéo ou sonores, voire une performance chorégraphique, dans cet endroit qu’Antti Lovag avait pensé comme un paysage. « Les danseurs vont évoluer comme sur les dunes d’un désert de science-fiction face à la mer », poursuit-elle.
Dans le jardin, Rachel Robinson, ancienne assistante d’Antti Lovag, expose une sculpture et Marcin Rusak, une création en impression 3D, Ghost Orchid, mêlant nature et artifice, comme l’architecte hongrois de son temps. Une pièce de Pol Bury prêtée par la Fondation Maeght trônera dans le salon ; Xavier Veilhan présente une installation constituée de rayons, des filins monochromes dont l’agencement offre une autre perspective sur les lieux. Du côté des designers, Marion Mailaender a dessiné un couvre-lit inspiré d’une voile de bateau, Charlotte Chesnais un banc pour le jardin tandis que le duo GGSV a conçu des vitraux trompe-l’œil sur plusieurs fenêtres de la maison, comme des paysages hallucinatoires.
Il faut poursuivre la déambulation pour découvrir l’installation sonore qui fait entendre la voix d’Antti Lovag dans l’une des salles de bains ou une vidéo d’Yves Gellie dans une niche, une œuvre sur la diffraction de la lumière conçue originellement pour la maison et qui retrouve sa place à l’occasion de l’exposition. Un travail précis qui offre un regard contemporain sur cette villa sculpturale et son jardin de cactus et de succulentes pensés comme une œuvre d’art globale.
« Genius Loci », du 8 au 23 juin, performances les 8, 13, 14, 15 juin à 19 h 30. Sur réservation. Maison Bernard, Port-la-Galère, Théoule-sur-Mer. geniusloci-experience.com
Marie Godfrain
Contribuer